Les exigences pour l'analyse de traces

R. Losno, Laboratoire Interuniversitaire des Systèmes Atmosphériques (L.I.S.A.), Faculté des Sciences, 61, av. du Gal de Gaulle, 94010 Créteil Cedex. Tél: (33) (0)1 45 17 15 98; e-mail: losno@lisa.univ-paris12.fr

I) Résumé de la situation:

On peut définir une trace comme un constituant présent en très faible quantité dans un milieu diluant. Les exigences nécessaires à leur détermination ne dépend pas de la teneur en substance trace recherchée, mais du rapport entre cette teneur et celle de l'environnement de travail. La première préoccupation dans l'analyse des trace sera donc de connaître puis de maîtriser son environnement de travail. La conduite à tenir face au problème analytique dépendra du milieu que l'on désire traiter, suivant qu'il est gazeux, liquide ou solide.

II) Les scénario possibles:

Dans l'analyse de traces, on doit faire face à trois éventualités:

  1. La substance en trace se perd par adsorption sur des parois;
  2. La substance en trace s'enrichit par lessivage de parois ou au contact avec un milieu impur; l'échantillon est contaminé;
  3. La concentration en substance reste constante car il n'y a pas d'interaction chimique avec les parois et tout contact avec un milieu impur est évité.

L'analyste portera donc toute son énergie à favoriser cette troisième possibilité. On comprend alors aisément que la maîtrise de l'échantillon doit commencer avant même son prélèvement dans son milieu d'origine, car toute perturbation entraîne dans le meilleur des cas, celui où l'on s'en aperçoit, la nullité de l'analyse. C'est ici que l'on ressent le mieux la pertinence du terme "chaîne analytique". Ce terme traduit bien que la qualité du résultat final dépend de la solidité de tous les maillons, menant du prélèvement à la sortie de l'instrument de mesure lui-même.

Ainsi, il est absolument nécessaire que tous les intervenants de la chaîne analytique soient qualifiés pour l'analyse des traces recherchées, cette qualification dépendant notamment de l'environnement dans lequel doit s'effectuer chacune des étapes de la chaîne. Mon expérience personnelle m'a montré que les meilleurs résultats arrivent lorsqu'une seule personne se charge de l'ensemble des opérations.

III) L'effet de paroi:

Tous les échantillons doivent être transportés dans des récipients avant d'être analysés, excepté les systèmes "on-line". Dans ces derniers, l'échantillon est souvent amené dans une cellule de mesure à l'aide de tuyaux qui tiennent alors lieu de récipients temporaires. Les échantillons solides sont le moins sensible à la paroi, alors que les liquides et les gaz ont toujours un contact intime avec celle-ci.

La paroi visible par l'échantillon ne doit pas pouvoir interagir chimiquement avec celui-ci, et particulièrement avec la substance en trace mesurée. Elle devra aussi avoir une surface de contact la plus petite possible, c'est à dire être lisse et de porosité minimale. D'autre part, cette surface doit être exempte de toute contamination.

On utilise souvent des bouteilles en Inox® poli pour les gaz, que l'on aura soigneusement dégazé à chaud sous un vide poussé. Pour les liquide, on utilisera des matières plastiques nobles comme le Téflon® pour les solutions aqueuses et les traces hydrophiles, ou bien le quartz pur pour des traces organiques souvent hydrophobes. Avant utilisation, tout le matériel susceptible d'entrer en contact avec l'échantillon devra être soigneusement décontaminé, en suivant des protocoles particuliers à ce domaine. Les échantillons solides, de par un contact beaucoup moins fort entre le contenant et le contenu, seront de mise en oeuvre plus facile.

IV) Le prélèvement:

Quelque soit la taille du milieu d'origine, il est important de s'assurer que l'échantillon prélevé soit représentatif de ce milieu, et pas du milieu perturbé par la présence de l'expérimentateur.

V) Du flacon à la cellule d'analyse:

C'est au moment du transfert de l'échantillon vers la cellule d'analyse que les risques de contamination sont les plus grands. Pour les gaz, on utilise souvent un système de tubulure; celui-ci doit être maintenu aussi propre que les bouteilles de transport de l'échantillon, surtout dans sa partie terminale qui doit se raccorder à cette bouteille. Pour les liquides, on doit souvent ouvrir le flacon pour le verser dans un godet ou bien encore y rajouter un réactif, le diluer, etc. L'air qui entre alors en contact avec l'échantillon doit lui-même avoir été traité pour ne pas devenir contaminant.

Les contaminants les plus courants de l'air sont les poussières et les gaz. En ville, il n'est pas rare de trouver une charge de quelques centaines de µg de matière solide par mètre cube d'air. Si on veut parler en nombre, une personne émet entre 1000 et 100000 particules par seconde, le chiffre maximum étant atteint par les fumeurs (sans parler de la fumée elle-même). Pour des analyses environnementale, on a pu constater par exemple qu'il y a un facteur de plus de 106 entre les teneurs en plomb à Paris et dans les zones non polluées de la planète. Dans ce cas, pour éliminer les riques de contamination par l'air, il faudra purifier l'air ambiant de ce même facteur.

VI) Les outils pour maîtriser l'analyse de trace:

On peut utiliser des systèmes de purification de l'air ambiant comme les salles blanches et les hottes de soufflage à flux laminaire. Ces systèmes assurent un dépoussiérage total de l'air qui y circule, et les concentrations en contaminants sont celles apportées par les expérimentateurs et les machines qui y travaillent. La figure 1 suivante illustre le fonctionnement d'une salle blanche. Les filtres utilisée peuvent être des filtres dit absolus, c'est à dire qu'ils arrêtent 99,99..% des particules de diamètre supérieur à 0,5 µm, le nombre de 9 dépendant de la qualité de la fabrication, ou encore être combinés avec un lit de charbon actif pour piéger aussi les gaz trace, comme par exemple les alkyl-plomb.

Figure 1: Schéma simplifié d'une salle blanche.

On trouve également dans les salles blanches destinées à la chimie, des systèmes de production d'eau ultra pure, souvent constitués d'un osmoseur inverse suivi d'une série de cartouches échangeurs d'ions, adsorbante, etc. et d'un filtre de 0,2 µm.

Enfin, tous les outils imaginables ne valent rien sans une formation adéquate du personnel auquel ils doivent servir. C'est en effet la clé nécessaire à la conduite d'un protocole analytique fiable et de qualité.

VII) Qualité de l'analyse:

Dans le domaine des traces, il est constamment nécessaire de prouver la qualité des résultats analytiques fournis. Il faut donc tester chaque maillon de la chaîne en y introduisant des standards certifiés à des concentrations voisines de celles attendues, et des blancs.

VIII) Conclusion:

Le coût de l'analyse des traces peut être considérable, tant par la formation du personnel que par la construction de salles blanches et leur fonctionnement. C'est pourquoi il est fondamental de bien définir quelle doit être le degré de précaution nécessaire à la résolution du problème posé, c'est à dire de pouvoir comparer les concentrations des traces recherchées dans les échantillons avec leurs niveaux dans l'environnement ambiant du laboratoire et sur tous les objets susceptibles d'entrer en contact avec l'échantillon.

IX) ANNEXES: Reconnaître les matériaux:

Matériau Aspect Utilisation
Verre ordinaire transparent

épais

parfois coloré

Tout
Verre borosilicaté (PYREX) transparent

fin

très rarement coloré

Tout, supporte le chauffage
Quartz très transparent

fin

souvent aspect "fait main"

transparent IR et UV

Tout, supporte le chauffage à haute température (1000°C).

Difficile d'avoir pièces jaugée

Polypropylène (PP) translucide

opalescent

souple

Tout, ramollit à la chaleur
Polyéthylène basse densité (LDPE) translucide

opalescent

mou (cireux)

bouteilles et bouchons, fond à la chaleur
Polyéthylène haute densité (HDPE) blanc un peu jaune

légèrement translucide

rigide

bouteilles et bouchons, ramollit à la chaleur
Polyéthylène haute densité fluoruré (HDPE_F) blanc un peu jaune

légèrement translucide

rigide

bouteilles, ramollit à la chaleur
Polytétrafluoroéthylène (Téflon ou PTFE) blanc

opaque

épais

toucher lisse et gras

flux

Tout y compris matériel gradué de mesure de niveau.
Polyfluoroéthylènepropylène (FEP) transparent

légèrement brun

souple

Tout sauf bouchons
Tefzel jaunâtre

rigide

Bouchons

Prendre des précautions d'autant plus grandes que la matériau est tendre. Le plus fragile est le PTFE, le moins le quartz. Les rayures mécaniques sont causes d'une augmentation de surface d'accumulation des contaminants. Rejeter à tous les stades les contenants rayés ou non polis. Le polyéthylène haute densité est susceptible de contenir davantage de métaux car il est produit avec de fortes concentrations de catalyseurs (Al et Ti).


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